- it's a new day -
@Jackson Holloway
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Février 2021


Brackendale n’avait tant changé que çà en une vingtaine d’années. De nouveaux quartiers résidentiels s’étaient construits autour de la ville, mais le centre-ville en lui-même était demeuré identique à ses souvenirs. Elle n’avait eu aucun mal à trouver la clinique où un poste d’infirmière était vacant. Etant donné qu’elle avait pris des congés sabbatiques à l’hôpital où elle exerçait à Vancouver, et qu’elle ignorait combien de temps elle allait devoir rester ici, il fallait bien qu’elle ait un revenu. S’autant qu’elle allait devoir engager des frais pour retaper un minimum la maison de son enfance dont elle venait d’hériter, si elle voulait pouvoir en tirer un prix correct et surtout trouver un acquéreur. Le champs qui bordait la propriété était toujours là – sans maïs à cette période de l’année, ce qui la soulageait – et la maison voisine était toujours occupée par le vétérinaire de l’époque, désormais à la retraite. Le petit cimetière d’animaux était toujours là également, mais beaucoup moins sinistre que dans ses souvenirs d’enfance. La maison en elle-même était encore habitable, malgré quelques courants d’airs et fuites dans le toit. Evidemment, après être restée inoccupée pendant quelques années, elle avait néanmoins piteuse mine et méritait un sacré rafraichissement, à commencer par la terrasse de devant, dont certaines lattes menaçaient de céder sous son poids. Sans compter tout le tri qu’il y avait à faire à l’intérieur.

C’est d’ailleurs sur cette terrasse que Temp passait ses nerfs en cette fin d’après-midi, sous un soleil déclinant entre les arbres qui bordaient la maison. La journée ne s’était pas franchement déroulée comme prévue. Son entretien à la clinique avait été concluant, elle avait le poste et commençait dès le lendemain. En revanche, en repartant, sa vieille Mazda avait fait des siennes, moteur toussotant. Elle fut contrainte de l’emmener dans un garage, redoutant d’avance le prix de la facture. Néanmoins, le type qui l’avait reçue – un dénommé Jackson – s’était voulu rassurant quant au diagnostic et lui avait prêté un véhicule de dépannage. C’était déjà çà. Ensuite, elle avait croisé la vieille bibliothécaire qui l’avait reconnue et qui lui avait tenu la jambe, insistant pour qu’elle vienne lui rendre visite afin qu’elle lui prête des livres, comme « au bon vieux temps ». Demain, tous les « anciens » de Brackendale seraient au courant que la petit Lockwood était de retour en ville. Et elle s’attendait à être dévisagée comme une bête de foire. La poisse.

C’est pourquoi, armée d’un pied de biche, Temperance était en train de s’escrimer sur une planche à moitié pourrie mais récalcitrante, sous couvert qu’elle risquait de casser si elle posait le pied dessus, tout en jurant comme un charretier. Les noms d’oiseaux n’étaient cependant pas tous destinés à ladite planche quoi qu’elle en dise. Cependant, celle-ci résistait obstinément à ses assauts, la garce. Nul doute qu’elle devait représenter un drôle de spectacle, avec ses vieux vêtements élimés, une coiffure digne d’un épouvantail, suant sous le poids des efforts donnés malgré les températures hivernales.

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@Jackson Holloway
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Tandis qu’elle faisait levier avec le pied de biche, la planche grinça, se tordit, mais ne céda pas. Une bardée de jurons commençait à s’échappait des lèvres de Tempe quand une voix masculine la fit sursauter. La jeune femme se redressa d’un bond et fit volteface, toujours armée du pied de biche. Le souffle court, joues rosies par l’effort, elle repoussa d’un geste agacé les mèches miel qui pendouillaient mollement devant ses yeux. Une vieille Chevrolet était garée dans l’allée, à côté de la voiture de location dont elle avait hérité cet après midi même. Elle était tellement absorbée par sa tâche qu’elle ne l’avait même pas entendu arriver. Il lui faudrait être plus prudente à l’avenir. Sous l’effet de l’agacement, elle avait baissé sa garde. Chose qui ne lui arrivait pas souvent, même pendant son sommeil.

Tempe fronça des sourcils tandis que son visiteur s’adossait à l’un des montants du porche, tout en commentant la situation dans laquelle elle se trouvait à son arrivée. « Je vois que monsieur est observateur. » grommela-t-elle en guise de réponse, un brin sarcastique. Elle sentait le regard intrigué de l’homme sur elle. Elle ne put retenir une grimace. Elle n’était pas sous son meilleur jour, et après sa bagarre avec la planche, et devait ressemblait à une harpie. Et alors ? souffla sa petite voix intérieure. Quelle importance après tout ? Temperance hasarda à son tour un regard curieux sur l’inconnu. Son visage ne lui était pas inconnu, mais ce n’était pas non plus un gars du coin. Du moins, pas quand elle habitait encore ici…. Il devait faire une bonne dizaine de centimètres de plus qu’elle, un peu plus âgé également. Sous ses habits se laissait deviner une silhouette déliée et musclée. Dans son regard sombre dansait une petite lueur amusée. Il repris la parole, et se présenta, tout en lui tendant la main. Le garage. Mais bien sûr ! Voilà pourquoi son visage ne paraissait pas inconnu ! C’était lui qui avait pris en charge sa vieille Mazda. Elle secoua la tête tout en lâchant le pied de biche et ôta ses gants de bricolage pour lui serrer la main. « Le garage, évidemment. Je me souviens de vous maintenant. Encore merci pour la voiture d’ailleurs. » Sa paume était chaude contre la sienne. La poigne ferme sans pour autant lui broyer les os. Ce coup-ci, un franc sourire vint étirer les lèvres de la jeune femme et elle se présenta à son tour. « Temperance Lockwood. Mais vous pouvez m’appeler Tempe. » Elle ôta sa main de la sienne presque à regret. N’y pense même pas ! se tança-t-elle in petto. Tu n’es pas là pour çà.

Venait-elle d’emménager ? « Oui et non… » répondit-elle doucement. « J’ai grandit dans cette maison en réalité. Je viens d’en hériter. » Une ombre passa sur son visage. « Je suis revenue pour la remettre en état et la revendre. » Et partir loin d’ici, définitivement. Mais cela, elle le garda pour elle. Tempe réprima un soupir. « Comme vous pouvez le constater, y a du boulot, même si au final, je craignais que ce ne soit pire au départ. » Elle croisa de nouveau le regard de Jackson. Elle devait avouer qu’elle appréciait le fait qu’il ne sache pas qui elle était, et qu’il ignore visiblement tout de son passé. Tout ceux qu’elle avait croisé en ville un peu plus tôt et qui l’avaient connu gamine la regardaient comme une bête curieuse, des questions indiscrètes et déplacées leur brûlant les lèvres. Elle avait du prendre sur elle aujourd’hui, et savait d’avance que les jours suivants n’allaient pas être faciles non plus. Alors converser avec quelqu’un qui la regardait « normalement », cela faisait du bien.

« Et vous ? Vous habitez dans le coin ? Ou bien vous m’avez suivi de peur que je fasse une rayure sur votre voiture de location ? » Elle éclata subitement de rire face à l’absurdité de ses propos. « Désolée… mon humour est complètement pourri ce soir. » Puis changea complètement de sujet de conversation. « Vous vous y connaissez en travaux de rénovation ? » demanda-t-elle alors à brûle pourpoint. Avant de se dire qu’il avait sans doute beaucoup mieux à faire. Elle ne le connaissait même pas. « Oubliez ce que je viens de dire. De plus vous êtes certainement attendu chez vous. » Elle jeta un œil torve à son plancher. « Je vais bien finir par avoir sa peau à ce bout de bois. » marmonna-t-elle plus pour elle-même que pour son visiteur.

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@Temperance Lockwood
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« Je vois que monsieur est observateur » lâche t’elle, un brin provocatrice, avant de te balancer un regard qui en dit long sur ce qu’elle pense vraiment. Bordel, c’est qu’elle a de la répartie blondie ! Que tu peux pas t’empêcher de penser alors qu’elle repousse négligemment une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Tu la détailles brièvement de la tête au pied et t’attardes un instant sur sa tenue de combat avant de t’arrêter sur son visage. Ses joues, rosies par l’effort, étaient surmontées de jolies pommettes hautes qui faisaient la part belle à sa bouche charnue et sa mâchoire ciselée. Quant à ses iris, d’un vert profond, elles te rappelaient les grands sapins de Douglas qui bordaient ton petit chalet à l’orée des bois. Après réflexion, elle n’était pas désagréable à regarder – si on faisait fi de ses cheveux en bataille et de la crasse qui s’était accumulée sur son joli minois. Elle était même plutôt pas mal …

Tu te racles la gorge et te demandes quel âge elle peut bien avoir lorsqu’elle secoue la tête et pose son pied-de-biche sur le sol. Elle hôte rapidement ses gants de manutention et te tend une main ferme avant te gratifier d’un sourire qui te prend de court. « Le garage, évidemment. Je me souviens de vous maintenant. Encore merci pour la voiture d’ailleurs » dit-elle, beaucoup plus avenante qu’au premier abord. « Temperance Lockwood. Mais vous pouvez m’appeler Tempe ». Tu saisies sa main et presses tes doigts – noircis par le cambouis – contre les siens avant de lui sourire à ton tour. « Enchanté, Tempe. Vous pouvez m’appeler Jack. Alors … Vous venez d’emménager ? ».

« Oui et non … » Qu’elle te répond au bout d’un moment alors qu’une ombre passe devant ses yeux émeraudes. « J’ai grandi dans cette maison en réalité. Je viens d’en hériter. Je suis revenue pour la remettre en état et la revendre. Et partir loin d’ici, définitivement ». Tu hausses un sourcil – visiblement étonné par ce qu’elle vient t’avouer – mais fait mine de rien et opines du chef. Si tu n’as jamais entendu parler d’elle ou de sa famille auparavant, c’est qu’il y a sans doute une bonne raison à cela ? Dans tous les cas, t’es pas pressé de savoir pourquoi elle veut se débarrasser de cette ruine et pourquoi elle est à tellement hâte de repartir. À ton avis, ça pu la merde à plein nez c't'histoire et t’as bien assez de tes propres problèmes pour t’inquiéter de ceux des autres. M’enfin ça, c’est ce que tu crois, Jack.

« Comme vous pouvez le constater, y a du boulot, même si au final, je craignais que ce ne soit pire au départ ». Vos regards se croisent et tu crois apercevoir une lueur de mélancolie – ou quelque chose dans ce goût là – danser au fond de ses yeux verts avant de renifler. Du boulot ? Putain, c’est peu de le dire … Penses-tu avant de balayer la maison du regard. Cette foutue bicoque nichée dans les champs de maïs était dans un sacré mauvais état. Personne ne s’en était occupé depuis des années et tu t’étais souvent demandé comment elle avait fait pour (encore) tenir debout malgré les intempéries et le manque d’entretien qui lui ont toujours fait défaut.

« Et vous ? Vous habitez dans le coin ? Ou bien vous m’avez suivi de peur que je fasse une rayure sur votre voiture de location ? » Qu’elle finit par demander avant d’éclater de rire. Tu lui souris avant de gratter ta barbe de trois jours du bout de doigts. « Je tiens à récupérer mes voitures en bon état mais faut quand même pas pousser … » rétorques-tu, l’œil malicieux, avant de répondre à sa première question. « En fait, nous sommes voisins. J’habite un peu plus loin, dans les bois ». Tu désignes le Nord du menton et croises tes bras sur ton torse alors qu’elle ne s’excuse d’avoir lâché une blague vaseuse. Tu lui fais signe que ce n’est rien et elle change immédiatement de sujet. « Vous vous y connaissez en travaux de rénovation ? Oubliez ce que je viens de dire » se ravise t’elle sans crier gare. « De plus, vous êtes certainement attendu chez vous. Je vais bien finir par avoir sa peau à ce bout de bois … ».

Tu hausses les épaules et décolles ton omoplate du montant avant de faire quelques pas vers la planche récalcitrante. « J’ai entièrement rénové mon chalet en arrivant ici. Alors je suppose que oui ? » Tu lui adresses un léger sourire et attrapes l’outil qu’elle a posé un peu plus tôt sur la terrasse avant de te poster devant le morceau de bois récalcitrant. « Je comptais rentrer chez moi, mais … Je peux toujours vous filer un coup de main ? Ça me dérange pas » que t’ajoutes pour la rassurer.

T’attends pas sa réponse et t’attèles rapidement à la tâche. Cette foutue planche en bois te résiste quelques secondes après avoir fait levier sur le plancher – qui menace de s’écrouler à chaque instant – avant de céder sous la pression. Tu finis par retirer les quelques débris qui ont volé à tes pieds et te tournes vers Temperance. « Rassurez-moi, vous ne comptiez quand même pas démonter votre terrasse toute seule à cette heure-ci ? » Tu poses le pied-de-biche sur ton épaule et penches la tête légèrement de côté. « Nan parce que je veux bien vous aider, mais si c’est le cas, on va en avoir pour toute la nuit » plaisantes-tu alors que ton regard accroche le sien.

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@Jackson Holloway
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 Tempe ne put s’empêcher de constater qu’il était encore plus séduisant lorsqu’il souriait. Elle cela l’agaça fortement. Elle était venue ici pour tirer un trait définitif sur son passé, certainement pas pour tomber sous le charme d’un homme, quel qu’il soit. Même si ce dernier semblait s’amuser de son humour au rabais comme à l’instant. Elle haussa un sourcil étonné lorsqu’il lui indiqua la direction du Nord dans les bois adjacents en expliquant qu’ils étaient voisins. « Vous avez acheté le chalet du vieil Hennessy ? » s’écria-t-elle d’un air surpris. Igor Hennessy était un marginal, qui vivait de la chasse et de la pêche, s’improvisant guide à ses heures perdues auprès de touristes en désir d’un « retour à la nature ». Il vivait seul avec ses chiens, à l’époque. Personne ne lui connaissait ni famille ou enfants. Temperance savait qu’il s’était porté volontaire lors des recherches à son enlèvement, notamment avec ses chiens, pour tenter de remonter sa piste. En vain. Elle réalisa alors avec un pincement au cœur que le vieil Hennessy était très probablement décédé à ce jour, étant déjà d’un certain âge lorsqu’elle était jeune. La voix de Jack la ramena à la réalité. Une fois de plus, Tempe répondit à son sourire. « Effectivement, si vous avez réussi à rénover le chalet de ce vieux bougre, vous devez être doué. Je m’incline. »

Jack s’avança alors, la frôlant presque pour ramasser le pied de biche qui gisait au sol depuis qu’elle l’avait lâché. Son pouls s’accéléra malgré elle à ce contact furtif, mais fort heureusement elle n’eut pas à masquer son trouble puisque Jackson s’attaqua derechef au plancher, lui tournant le dos, tandis que la planche pourrie ne mis que quelques secondes avant de céder. Partagée entre mortification et admiration, elle laissa échapper un sifflement admiratif. « Mon égo vient d’en prendre un coup mais un grand merci. » Elle se sentait même carrément ridicule. Cette fichue planche avait résisté à ses assauts – pourtant non feints – depuis un moment déjà avant l’arrivée de Jack, et lui en deux temps trois mouvements en venait à bout, avec une facilité déconcertante, tandis qu’elle avait sué sang et eau. Ce dernier repris la parole, plantant son regard sombre dans le sien. Une nouvelle fois, son rythme cardiaque grimpa en flèche. « … mais si c’est le cas, on va en avoir pour toute la nuit. » acheva-t-il avec une malice non dissimulée.

Heureusement que la nuit commençait à tomber, car Temperance sentit ses joues s’enflammer malgré elle. La pénombre dissimulerait son trouble, du moins elle l’espérait. Tu ne sais même pas si il a une femme ou des enfants, se sermonna-t-elle. Vivait-il seul ? Il avait mentionné le chalet, mais rien précisé de plus sur sa vie privée. Vie privée qui ne te regardes pas. Atterri ma vieille. « Je… » Elle se racla la gorge afin de masquer le ton soudainement anormalement rauque de sa voix. « Cette planche était surtout un bon prétexte de me défouler et de passer mes nerfs tout à l’heure je crois. » expliqua-t-elle alors. Ce qui était la vérité. « Mais vu mon efficacité, je crois que je vais éviter d’en faire plus pour ce soir. » acheva-t-elle avec un sourire contrit. « Et je m’en voudrais de priver votre famille de votre présence toute la nuit. » reprit-elle, sans vouloir s’avouer qu’elle espérait bien qu’il ne soit pas attendu. Du moins pas par une femme. Imbécile, femme ou pas qu’est ce que ça peut te faire ? Tu ne resteras pas ici de toute manière. Oubli. « En revanche, je peux vous offrir un truc à boire pour vous remercier ? J’ai des bières au frais. Et du soda. »

Ce n’était pas dans ses habitudes d’inviter des inconnus à boire un verre chez elle. D’ordinaire, elle était même du genre plutôt sauvage. Inaccessible. Pourtant, elle avait beau à peine connaître Jackson, elle se sentait en confiance en sa présence, sans pouvoir se l’expliquer pour autant. C’est juste parce que t’es sous le charme. Elle chassa les pensées importunes et se dirigea sous le porche vers la porte d’entrée. « Mais si vous n’avez pas le temps ou êtes trop fatigué par votre journée de travail je comprendrais… moi-même je dois me lever tôt demain. » Elle commençait son poste d’infirmière au cabinet le lendemain matin. Un sentiment de curiosité se mêlait à l’appréhension. Nul doute qu’elle allait être amenée à croiser pas mal de commères du village, curieuses de (re)voir la petite Lockwood, de retour au pays après plus de vingt ans d’absence.

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@Temperance Lockwood
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Lorsque son regard accroche le tiens, tu te demandes si elle n’a pas compris de travers ce que tu viens de lui dire et lâches un petit rire nerveux. Manquerait plus qu’elle te prenne pour un pervers doublé d’un barjo … Tu passes une main fébrile dans ton épaisse tignasse brune et reposes le pied-de-biche par terre. Tu viens à peine de la rencontrer, ce serait dommage de tout gâcher pour un malentendu. Heureusement, elle ne semble pas s’en offusquer et te répond comme si de rien n’était. « Je … Cette planche était surtout un bon prétexte de me défouler et de passer mes nerfs tout à l’heure, je crois. » Dit-elle après s’être raclée la gorge. Tu ne la quittes pas des yeux et opines du chef. Alors comme ça, elle avait besoin de se défouler et passer ses nerfs ? Un nouveau sourire étire tes lèvres lorsque tu penses à cette pauvre planche qui en a fait les frais. Décidément, cette nana n’a rien d’ordinaire ... « Mais vu mon efficacité, je crois que je vais éviter d’en faire plus pour ce soir ». Tu pinces tes lèvres – amusé par sa confession – avant de rigoler franchement face à son air abattu. « Je crois que ce serait plus sage, en effet » Lui confirmes-tu avant de glisser tes mains calleuses dans les poches de ton jean.

« Et puis je m’en voudrais de priver votre famille de votre présence toute la nuit » Poursuit-elle innocemment avant d’hausser les épaules. Lorsqu’elle évoque les membres de ta famille, tu ne peux pas t’empêcher d’avoir un léger pincement au cœur. Mis à part Jenny, ta petite dernière, ça faisait bien longtemps que plus personne ne t’attendait à la maison. Même Will t’avait abandonné. Il ne supportait plus de voir ta tronche qui lui rappelait sans arrêt à quel point tu avais été un mauvais père. T'inspires profondément par le nez et fermes les yeux un bref instant avant de pincer tes lippes. À chaque fois qu’on te parlait de ta famille, t’avais l’impression que ton monde s’écroulait. Et c’était comme ça depuis huit ans. Comme quoi, les vieilles blessures …

Temperance ne semble pas remarquer ton changement d’humeur et te tire rapidement de tes pensées en te proposant de rester. « En revanche, je peux vous offrir un truc à boire pour vous remercier ? J’ai des bières au frais. Et du soda. ». Elle désigne la porte d’entrée du bout des doigts avant de faire quelque pas. « Mais si vous n’avez pas le temps ou êtes trop fatigué par votre journée de travail je comprendrai … Moi-même je dois me lever tôt demain. » Surpris par sa proposition, tu écarquilles légèrement les yeux avant de lui emboîter le pas. « Je suis pas contre une bière » Que tu réponds en haussant les épaules. Tu lui souris à nouveau et la suis en silence. Une fois à l’intérieur, tu balayes rapidement l’espace à vivre de tes yeux noirs et te plantes devant la porte qui mène vers ce qui te sembles être le salon avant de tourner sur toi-même. Tu ne sais pas trop quoi faire, ni comment te comporter. C’est la première fois que tu te retrouves chez une inconnue et tu commences à te demander si c’était vraiment une bonne idée (d’accepter cette bière) lorsque Temperance se tourne vers toi et te fait signe de t’installer.

Tu te diriges maladroitement vers le canapé qui se trouve à côté de l'imposante cheminée en pierre et t’affales dessus tout en écartant les jambes. Tes coudes posés sur tes genoux, tu regardes ta nouvelle voisine s’affairer autour de toi avant de te triturer les mains. « Alors comme ça, vous comptez remettre cette maison en état, la revendre et repartir aussitôt ? » Tu désignes le foyer d’un vague mouvement de la tête et opines du chef avant de grimacer. Ça ne va pas être une mince affaire … Penses-tu alors que la nuit commence à tomber sur Brackendale. « Vous avez prévu de faire venir des artisans ? » Des dizaines d’autres questions te brûlent les lèvres, mais tu te retiens de les poser. Putain, ça te regarde pas Jack ! Qu’est-ce qui te prends tout à coup ?

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@Jackson Holloway
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Tempe ne put s’empêcher de remarquer qu’il n’avait fait aucun commentaire concernant une éventuelle famille ou épouse l’attendant à la maison. Soit parce qu’il n’avait pas envie d’en parler, soit parce qu’il n’y avait rien à dire à ce sujet. Ne voulant pas se montrer indiscrète ou impolie, elle ne chercha pas à en savoir plus. Toujours est-il qu’il accepta volontiers la bière qu’elle lui proposait. Temperance invita donc Jack à la suivre à l’intérieur de la bâtisse et à prendre place sur le canapé. L’intérieur était spartiate – elle venait tout juste d’arriver – mais fonctionnel. Elle avait déjà passé ces derniers jours à faire du tri et dépoussiérer l’habitation. Tandis qu’elle allait chercher deux bières dans le frigo, Jackson brisa le silence le premier. Tempe revint vers lui les bouteilles à la main, en décapsula une et lui tendis, avant d’ouvrir la sienne. Puis elle pris place à son tour sur la banquette. « C’est dans l’idée oui. » acquiesça-t-elle, tout en se persuadant que c’était la meilleure chose à faire. « J’ai grandi dans cette maison, mais ça fait plus de vingt ans que je ne vis plus ici…. » Elle avait fui Brackendale à l’époque. Littéralement. En se jurant de ne jamais y remettre les pieds, mais sa mère en avait jugé autrement. Nul doute qu’elle avait une idée derrière la tête en lui léguant cette bâtisse à elle et non à l’une de ses sœurs. Ce n’était pas une décision innocente. « Je n’ai pas que des bons souvenirs ici, même si j’apprécie la tranquillité des petites villes. » Comment expliquer qu’elle espérait bien avoir vendu avant que les maïs n’aient poussé ? La perspective du champs jouxtant la propriété l’angoissée d’avance.

Elle se sentait lasse, résistant à l’envie de poser sa tête sur l’épaule rassurante de Jack, juste un instant. Leur proximité faisait qu’elle pouvait ressentir sa chaleur et son odeur, et ce n’était pas déplaisant. Mais sa voix la ramena à la réalité. Avait-elle prévu d’employer des artisans ? « A vrai dire, je ne suis pas sûre d’avoir les moyens financièrement. J’espérai bien pouvoir faire tout moi-même à la base. » Elle grimaça en resongeant à la planche de la terrasse. « Mais je crois que j’ai présumé de mes capacités. » avoua-t-elle piteusement.

C’est alors qu’une ligne de phares perça l’obscurité par la fenêtre. Une voiture venait de se garer devant chez elle. Sauf qu’elle n’attendait strictement personne. Elle se releva et posa sa bière sur le rebord de la cheminée. « Ne bougez pas, je reviens. » dit-elle à l’attention de Jack avant de se diriger vers la porte d’entrée, devançant son visiteur impromptu, sourcils froncés. Ou plutôt sa visiteuse, comme elle pu s’apercevoir en ouvrant la porte. Et pas la moindre. Mme Novak était une voisine, ancienne institutrice à la retraite, et amie de sa mère. La vieille dame était gentille mais c’était une véritable commère, et une pipelette de premier ordre. Temperance réprima un soupir résigné et placarda un sourire de convenance sur son visage. « Mme Novak ! Que venez vous faire ici à cette heure ? Il y a un souci ? » L’œil vif et alerte, l’ancienne institutrice de Tempe lui tendit un panier en osier rempli de victuailles. « Ma petite Temperance, j’ai appris aujourd’hui que tu avais accepté le poste d’infirmière à la clinique. Du coup je me suis dit que tu allais être très occupée les jours à venir, alors je t’ai préparé des petits en-cas pour tes pauses. Entre tes travaux et la clinique, tu n’auras plus le temps de te nourrir correctement sinon. » dit-elle tout en scrutant l’intérieur de la maison. Tempe n’était pas dupe. Mme Novak avait très certainement vu la voiture de Jackson s’arrêter chez elle et ne pas repartir. Demain, tout Brackendale serait au courant à ne pas en douter. « C’est très gentil à vous Mme Novak, mais vous savez, je sais très bien me nourrir toute seule. Ce n’était vraiment pas nécessaire. » La vieille dame lui tapota le bras d’une main amicale. « Tatata, penses-tu, je suis sûre que tu sautes des repas par moment. C’est pas bon à la santé tu sais. Ta mère me disais que tu étais toujours très occupée par ton travail là-bas à Vancouver…. » Un pincement de culpabilité serra le cœur de la jeune femme. Effectivement, elle prétextait un planning chargé à l’hôpital pour éviter de se déplacer à Brackendale quand sa mère lui demandait.  « … mais je vois que tu n’es pas toute seule, je dérange peut être ? » Bien essayé Mme Novak, pensa Tempe. Mais avant qu’elle ne puisse répondre, sa voisine repris déjà la parole. « C’est bien que tu ais une peu de compagnie, ton retour ici ne doit pas être facile pour toi…. Tu sais çà nous a tous foutu un coup ce qui t’es arrivé à l’époque…. » Temperance grinça des dents. Elle ne voulait pas se montrer impolie avec sa visiteuse mais n’avait aucune envie de ressasser le passé avec elle, surtout pas maintenant. Jackson était dans son salon et ne perdait pas une miette de la conversation à ne pas en douter. « Merci vraiment pour tout Mme Novak. Ne le prenez pas mal mais j’ai encore pas mal de choses à faire et je me lève tôt demain donc… » Le visage de la vieille dame s’éclaira. « Ne t’en fais pas, j’ai bien compris le message. » dit-elle alors d’un air de conspirateur. « Je te laisse, d’autant que tu es en charmante compagnie avec Mr Holloway. Bonne nuit ma petite. » conclu Mme Novak tout en repartant vers sa voiture, laissant Temperance interdite sur le perron et mortifiée. Sans mot dire, elle referma la porte et alla déposer le panier sur la table avant de revenir vers Jack, les joues rouges. « Demain tout Brackendale saura que vous avez passé un moment chez moi ce soir, je suis navrée. » Une raison de plus de jaser à son sujet pour les « anciens ». Elle s’attendait également à ce que Jackson ai des questions à lui poser, après avoir entendu les propos au sujet de son passé et de son retour en ville de la bouche de la commère du quartier.

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@Temperance Lockwood
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Temperance ne tarde pas à te rejoindre et s’installe rapidement sur le canapé, une bière dans chaque main, avant de t’en tendre une du bout des doigts. Tu la remercies d’un hochement de tête et t’enfonces un peu plus dans les coussins alors qu’elle répond enfin à ta question. « C’est dans l’idée oui. » Acquiesce t’elle avant de boire une gorgée de malt. « J’ai grandi dans cette maison, mais ça fait plus de vingt ans que je ne vis plus ici ... » Avoue-t-elle dans un murmure tandis que t’assimiles – tant bien que mal – l’information. Attends une minute, ça fait vingt ans qu’elle n’habite plus dans cette maison ou vingt ans qu’elle ne vit plus à Brackendale ? Tu fronces les sourcils et te demandes ce qu’elle a bien voulu dire par là, mais elle ne t’en laisse pas l'occasion et te confesse qu’elle n’a pas eu que des bons souvenirs ici – malgré son amour pour les petites villes. « Hm, je vois. Y’a des endroits comme ça qu’on préfère fuir … » Que tu murmures, les yeux dans le vague, avant de faire glisser ta bière entre tes mains et prendre une gorgée. Et j’en sais quelque chose … que t'ajoutes pour toi-même.

Quelques mois après le décès de Betty et la fugue de Will, t’avais plus eu qu’une seule idée en tête : quitter Memphis et ne plus jamais y refoutre les pieds. Trop de souvenirs hantaient cette ville maudite. Et t’avais clairement pas eu la force de rester là-bas, à l'époque, malgré tout ce qui te rattachait à elle. Tu secoues le chef et chasses tes souvenirs d’un revers de main avant de renifler et demander à Temperance si elle a prévu d’embaucher des artisans. Mieux vaut changer de sujet avant d’avoir définitivement le cafard. « À vrai dire, je ne suis pas sûre d’avoir les moyens financièrement » qu’elle te répond en faisant la grimace. « J’espérai bien pouvoir faire tout moi-même à la base. Mais je crois que j’ai présumé de mes capacités ». Tu réprimes un petit rire nerveux, mais ne peux t’empêcher de sourire face à son aveu. « J'crois que c’est peu de le dire … » Te moques-tu gentiment alors que tu entends une voiture s’engager dans le chemin qui mène vers la maison. Au moment où tu tournes la tête, une ligne de phares perce à travers les fenêtres du petit salon et inonde la pièce d’une lumière blanchâtre avant de s’éteindre derrère la facade. Est-ce qu’elle attendait de la visite ? Tu hausses un sourcil et te tournes vers Temperance – qui semble tout aussi surprise que toi. « Vous attendiez quelqu’un ? » Ton hôte secoue la tête et se lève sans crier gare. « Ne bougez pas, je reviens. » Qu’elle te demande avant de poser sa bouteille sur le rebord de la cheminée et quitter rapidement la pièce.

Tu la regardes se diriger vers l’entrée et entends la porte grincer sur ses gonds après avoir entendu des bruits de pas sur le perron. « Mme Novak ! Que venez-vous faire ici à cette heure ? Il y a un souci ? ». Lorsque tu entends le nom de votre voisine, un frisson te parcourt immédiatement l’échine et tu te tends comme un arc. « Mme Novak … » Siffles-tu entre tes dents alors que la voix (horriblement) nasillarde de la vielle dame arrive jusqu’à tes oreilles. « Ma petite Temperance, j’ai appris aujourd’hui que tu avais accepté le poste d’infirmière à la clinique. Du coup, je me suis dit que tu allais être très occupée les jours à venir, alors je t’ai préparé des petits en-cas pour tes pauses. Entre tes travaux et la clinique, tu n’auras plus le temps de te nourrir correctement sinon. » Tu tends l’oreille – malgré toi – et te penches un peu plus en avant pour écouter leur conversation. D’habitude, t’es pas vraiment du genre à écouter aux portes ou te mêler de trucs qui ne te regardes pas, mais … Là, c’est différent. La plus grande commère de Brackendale venait de faire son entrée chez Temperance et tu savais pertinemment que ça n’annonçait rien de bon. « C’est très gentil à vous Mme Novak, mais vous savez, je sais très bien me nourrir toute seule. Ce n’était vraiment pas nécessaire. » « Ne t’en fais pas, j’ai bien compris le message » La coupe Mme Novak avant d’ajouter quelque chose qui t’arrache une grimace : « Je te laisse, d’autant que tu es en charmante compagnie avec Mr Holloway. Bonne nuit ma petite. »

Tu fermes les yeux et passes une main lasse sur ton visage avant de prier le bon dieu – pour que cette vieille pie n’aille pas raconter n’importe quoi en ville – lorsque Temperance réapparait dans le salon, un panier entre les mains. « Demain tout Brackendale saura que vous avez passé un moment chez moi ce soir, je suis navrée. » Dit-elle, l’air dépitée, après avoir déposé les petits plats de Mme Novak sur la table près de la cheminée. Tu soupires mais lui fais signe que ce n’est pas bien grave. Après tout, ce n’est pas de sa faute. « Ce n’est rien » La rassures-tu avant de lui décrocher un sourire las. « Nous n’avons rien fait de mal. Mais c’est clair que notre chère voisine se fera un plaisir de colporter quelques ragots à notre sujet … » Ajoutes-tu avant de te pincer les lèvres. Tu termines ta bière d’une traite et te racles la gorge avant de planter tes yeux noirs dans les siens. « Alors comme ça, vous travaillez à la clinique ? » Que tu demandes, l’air de rien, alors qu’elle s’installe à nouveau à tes côtés. « J’ai entendu la viell … Mme Novak dire que vous étiez infirmière » que t’ajoutes tout en détournant le regard. « Vous avez déjà commencé ou vous n’avez pas encore pris votre poste ? ». T’as envie de lui demander pourquoi elle a choisi cette voie, si ça lui plaît (ou pas), si elle a des projets, si elle est venue seule ou accompagnée … Mais tu préfères garder le silence et lui laisser le temps de souffler.

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@Jackson Holloway
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Fort heureusement, Jackson ne semblait pas prendre ombrage d’une perspective de ragots à leur sujet. Ces derniers étaient par ailleurs quasiment inévitable avec la langue bien pendue de l’ancienne institutrice. Il semblait bien connaître le phénomène lui aussi, et se montrait fataliste. Effectivement, ils n’avaient rien fait de mal. Mais seuls eux le savait. Tempe imaginait déjà la mine conspiratrice de Mme Novak, lorsqu’elle colporterait sa version des faits dès le lendemain à la première heure auprès de ses copines. Sentant une migraine poindre à l’horizon, elle entreprit de se masser doucement les tempes d’un geste circulaire avec ses doigts. Jack avait forcément entendu leur bref échange, et avait visiblement l’envie d’aller à la pêche aux infos à son tour, en l’interrogeant alors sur son nouveau travail.

« Il y avait un poste vacant et remettre cette maison en état va me prendre du temps et de l’argent, donc j’ai postulé et je l’ai eu. Je commence demain matin. » répondit-elle spontanément. Nul doute que le travail allait être très différent de ce qu’elle connaissait, loin de la violence et de l’affluence d’une métropole et d’un service d’urgence survolté et surchargé. A Vancouver, elle voyait défiler pas mal de toxicos en manque, de blessures par armes blanches ou par balle, lors de règlements de comptes entre bandes rivales dans les bas quartiers, etc…. Brackendale était autrement plus calme, et la catégorie de patients à laquelle elle aurait désormais affaire risquait d’être diamétralement opposée. « Je suis infirmière en effet. Jusque-là, je bossais aux urgences dans un hôpital à Vancouver. » Encore maintenant, elle ne pouvais s’empêcher de songer que c’était une folie d’être revenue ici. Sa vie à Vancouver était bien rangée, calculée au millimètre près. L’imprévu n’avait de place qu’aux urgences, pas dans sa vie privée. Mais lorsqu’elle avait pris connaissance de son héritage, elle avait du prendre les décisions qui s’imposaient. La meilleure étant de ne pas s’encombrer trop longtemps de cette bicoque, et de ce fait de venir sur place afin de pouvoir la vendre rapidement. L’idée était bonne lorsqu’elle était encore dans son appartement à Vancouver. Elle avait par ailleurs tenu tête à ses sœurs qui avaient tenté de l’en dissuader. Elle entendait déjà leur « on t’avait prévenu » si elle revenait prématurément. Hors de question.

« Pour tout vous dire, je suis partie d’ici après le lycée pour mes études. Et je ne suis pas revenue. » Elle se mordilla la lèvre inférieure. « Mais ma mère a eu l’excellente idée de me léguer cette ruine à son décès. » ajouta-t-elle en haussant les épaules d’un air faussement désinvolte. « Du coup, j’ai demandé une disponibilité auprès de l’hôpital, et je suis venue ici, histoire de régler ce qu’il y a à régler. Et vendre cette fichue baraque. » Evidemment, c’était la version courte de l’histoire. Pour l’heure, elle n’avait pas l’intention de mentionner les raisons de cette fuite en avant. Jackson lui inspirait confiance et sympathie – et pas seulement parce qu’elle le trouvait séduisant – mais pas au point de lui déballer toute l’histoire de sa vie. Et pas avant que lui-même lui en ai dit également un peu plus sur lui. « Et vous ? Vous n’êtes pas originaire d’ici n’est-ce pas ? Je ne me souviens pas vous avoir vu en tout cas dans le passé. Qui est donc Jackson Holloway, que Mme Novack semble apprécier ? » l’interrogea-t-elle alors à son tour, avec un sourire amusé sur les lèvres, tout en soutenant son regard sombre. Elle avisa la bière vide qu’il tenait encore à la main. Elle-même n’en avait bu que la moitié de la sienne. « Vous en voulez une autre ? Il m’en reste. » proposa-t-elle innocemment. Ou était-ce une excuse pour qu’il reste un peu plus longtemps en sa compagnie ?

- it's a new day -
@Temperance Lockwood
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Quelles étaient les chances pour que ta voisine soit infirmière ? Quand t’y penses, tu te dis qu’une coïncidence comme celle-là, ça ne doit arriver qu'une fois par siècle. Tu regardes Tempérance du coin de l’œil et écoutes ses explications d’une oreille distraite quand tu te surprends à penser à Betty et son métier-passion. Ta femme passait ses journées (et ses nuits) à soigner les malades qui poussaient les portes de Church Health, assistait les docteurs, apportait son soutien aux proches et récurerait le matériel médical avec le sourire, sans jamais se plaindre. Elle aimait son boulot par-dessus tout – malgré la fatigue et les difficultés inhérentes à son poste – et n’aurait changé de taff pour rien au monde. Et lorsque tu lui demandais pourquoi elle s’épuisait autant pour ce job ingrat, elle te répondait toujours la même chose : « parce je me sens utile et qu’ils ont besoin de moi ». T’as jamais vraiment compris ce qu’elle avait voulu te dire par là jusqu’au jour où c’est elle qui est devenue « patiente » et que l’une de ses collègues à prit le relais et t’as ouvert les yeux.

« […] Jusque-là, je bossais aux urgences dans un hôpital à Vancouver. » Tu opines du chef et lui souris. Coïncidence ou pas, t’es content de savoir que la clinique à gagné une nouvelle infirmière. Brackendale n’attirait pas vraiment les foules et le personnel soignant était une denrée rare … Alors la venue de Tempérance avait dû en ravir plus d’un. « Pour tout vous dire, je suis partie d’ici après le lycée pour mes études. Et je ne suis pas revenue. » Ajoute-t-elle avant d’hausser les épaules. « Mais ma mère a eu l’excellente idée de me léguer cette ruine à son décès. Du coup, j’ai demandé une disponibilité auprès de l’hôpital, et je suis venue ici, histoire de régler ce qu’il y a à régler. Et vendre cette fichue baraque ». Sans t’en rendre compte, tu fronces les sourcils et penches la tête légèrement de côté avant de chercher le regard de Tempérance. Est-ce qu’elle vient de t’avouer à demi-mot qu’elle n’a pas (que) des bons souvenirs ici et que cela lui coûte énormément d’être revenue dans les parages ? Tu reportes ton attention sur la bouteille que tu fais rouler nerveusement entre tes doigts et opines du chef. T’es pas sûr de bien comprendre son sous-entendu – si tant est que c'en soit un –, mais t’es assez malin pour savoir que c’est pas le moment de creuser. Peut-être qu’elle n’a pas envie d’en parler ? De révéler les raisons pour lesquelles elle s’est barrée d’ici, quelques années plus tôt ? Toi-même, t’étais pas vraiment du genre à t’étaler sur ta vie privée. Lorsqu’on te demandait pourquoi t'étais venu t’enterrer en Colombie-Britannique avec tes deux mouflets sous le bras, tu prenais (souvent) la tangente et restais vague – lorsque tu ne racontais pas tout un tas de conneries inimaginables.

« Et vous ? Vous n’êtes pas originaire d’ici n’est-ce pas ? Je ne me souviens pas vous avoir vu en tout cas dans le passé. Qui est donc Jackson Holloway, que Mme Novak semble apprécier ? » Finit-elle par te demander alors que tu relèves la tête vers elle. Tu lui décroches un léger sourire et réprimes un petit rire avant de t’enfoncer dans les coussins du canapé. « Madame Novak apprécie n’importe quel homme célibataire de moins de cinquante ans » Plaisantes-tu avant de secouer ton chef et passer une main dans tes cheveux en bataille. « Mais vous avez raison, j’suis pas d’ici. J’suis arrivé à Brackendale y’a de ça huit ans, avec mes deux gamins. Avant ça, on habitait à Millington, une petite bourgade sans histoire qui borde Memphis ». Lorsque t’évoques ton ancien patelin et par extension ta vie passée, ton cœur se sert au fond de ta poitrine. C’est la première fois que t’avoue vraiment d’où tu viens. La première fois que tu donnes autant de détails à une parfaite inconnue. Tu risques un regard en direction de ta voisine et jauges un instant sa réaction avant de continuer. « J’aurais jamais cru me retrouver ici un jour, mais je regrette pas un instant d’être venu ». Contrairement à elle, Brackendale était ton havre de paix, le symbole de ta rédemption et de ta renaissance. Et même si ce n’était pas tous les jours faciles, tu remerciais chaque jour le bon dieu de t’avoir donné une nouvelle chance mené jusqu’ici, avec Will et Jenny.

« Vous en voulez une autre ? Il m’en reste. » Demande Tempérance en désignant la bouteille vide que tu tiens toujours entre tes mains. « Oh, ce serait avec plaisir, mais je voudrais pas vous déranger. Et puis je sais que vous travaillez tôt demain matin alors … » Tu grimaces et fais mine de regarder ta montre avant de lui décrocher un sourire gêné et te lever. T’as pas envie de t’imposer davantage et ne voudrais pas qu’elle se sente obligée de prolonger votre tête-à-tête alors que vous vous connaissez à peine. Tu poses ta bouteille sur le rebord de la table et essuies tes mains sur ton jean avant de les poser sur tes hanches. « Je devrais y aller. De toute manière, on m’attend à la maison » Ajoutes-tu en pensant à Jenny qui doit se ronger les sangs. « Mais on pourrait remettre ça à plus tard ? » Tu hausses les épaules tout regardant autour de toi. « Ce week-end si vous voulez ? Je pourrais même vous filer un coup de main pour les travaux ? ».