Finlay s'était réveillé et, comme tous les matins, avait pris un bail avant d'émerger des chaudes couvertures de son lit douillet. L'un des deux chats de sa tante ronronnait à ses côtés, cherchant désespérément des caresses attentionnés de la part du jeune homme. Il céda à la demande du matou, caressant avec délicatesse son doux pelage gris. Voyant l'heure qui avançait à vive allure, il sauta rapidement hors de son lit et s'empressa d'enfiler les premiers vêtements qui tombèrent sous son regard. Un t-shirt noir et un jeans noir légèrement troués; voilà ce qui l'habillerait en cette journée plutôt grise. Il eut à peine le temps de remplir sa tasse à café Starbucks de la délicieuse boisson chaude et de prendre ses cahiers avant de n'avoir à quitter la demeure. Finlay enjamba son modeste vélo pour prendre le chemin vers le hangar d'hélicoptères, là où il suivait ses cours de mécanique d'aviation. Même après un mois dans sa formation, il n'était pas certain si c'était ce qu'il voulait faire de sa vie, mais il s'agirait néanmoins d'un gagne-pain intéressant qui lui permettrait de rester au Canada. Il était hors de question qu'il ne retourne au Pays de Galle, et ce, même si sa terre natale lui manquait désespérément. Le brun savait trop bien qu'il n'y était plus le bienvenu, et la solitude le rendrait malade. Il essayait donc de se faire une petite vie en Colombie-Britannique, et ce, malgré qu'il était relativement difficile pour lui de socialiser et de se faire des amis. Il ne sortait que très rarement : ses sorties ne se résumaient qu'à aller à l'épicerie et à ses cours. Il n'avait pas vraiment exploré la ville, ni même rencontré des jeunes de son âge. Il n'avait que, pour l'instant du moins, sa tante et ses deux gros matous.

La journée s'annonçait comme une autre. Il était dorénavant habitué à cette routine qui, malgré son caractère monotone, le tenait bien occupé. Il commençait à se faire à cette nouvelle vie qui n'avait rien à voir avec ce qu'il avait toujours connu. Ici, il n'allait pas à l'église tous les dimanches. Il n'avait pas des études bibliques une à deux fois par semaine. Il n'avait pas de parents stricts qui lui dictaient jour et nuit quoi faire et penser. Il découvrait une certaine liberté qui, bien qu'elle lui faisait peur, se montrait tout de même excitante.

Dévalant les longs rangs sur son vélo, le jeune homme profitait du vent frais de la région continentale. La nature offrait une fraicheur que la grande ville faillait à procurer. Il se sentait plus proche de la nature qu'il ne l'avait jamais été, et il devait avouer aimer cette proximité avec les montagnes et les vastes boisés. Perdu dans l'admiration des paysages à couper le souffle de la petite ville, le jeune homme manqua un imposant nid de poule dans lequel s'enfonça son pauvre vélo. Son pneu se dégonfla systématiquement sous l'impact qui, en raison de sa violence, provoqua une déformation dans sa roue. « Merde! », cria-t-il en faisant constat des dommages. Son vélo ne pouvait plus rouler, ça c'en était bien certain. Embêté, Finlay dut se résoudre à devoir marcher pour rejoindre son école. La route était pourtant de quarante minutes à vélo. À pieds, il ne serait certainement pas là à temps, fut-il forcé d'admettre. Grognant sous la frustration, il donna un coup sur sa bicyclette qui s'écrasa au sol. Quelle poisse!, pensa-t-il.

À peine avait-il commencé à marcher, un garçon d'environ son âge immobilisa son véhicule près de lui. La première réaction du Britannique fut de sursauter légèrement. Il espérait sincèrement qu'il n'allait pas se faire enlever, tuer puis découper en petits morceaux par un psychopathe. Oh non, merci! Or, le roux s'avérait n'être qu'un concitoyen dont la générosité rassura grandement le brun. Il accepta frénétiquement son offre. Il n'allait quand même pas marcher jusqu'au hangar et manquer une bonne partie de ses cours. « Un nid de poule que je n'ai pas vu. Mon vélo n'a pas aimé. », lui répondit-il en prenant son vélo pour le mettre dans la boîte arrière du pick-up aidé par sa nouvelle connaissance. « Je me rendais au hangar d'hélicoptères, si ça ne vous dérange pas de m'y déposer... », ajouta-t-il avant une gêne sans équivoque. Finlay n'était définitivement pas habitué de faire de nouvelles connaissances!  

La gêne du garçon n'était pas dissimulable malgré ses efforts. Ses piètres compétences sociales ressortaient des masses et Mike semblait faire son possible pour détendre l'atmosphère. Finlay n'était toutefois pas habitué aux nouvelles rencontres, encore moins dans cette ville qu'il connaissait à peine. Après tout, il avait grandi dans une communauté religieuse plutôt isolée. Bien que Cardiff était une grande ville à la population disparate, rares étaient les fois où il entrait en contact avec des gens qui ne faisaient pas partie de sa communauté. Certes, les employés de boutique ou les passants auxquels il devait parfois s'adresser ne faisaient, pour la majorité, pas partie de son groupe religieux, mais de façon générale, il ne conversait qu'avec les mêmes adorateurs de Dieu. D'ailleurs, Finlay n'avait jamais rencontré un homme homosexuel. En 2021, c'était certainement un phénomène rarissime que de ne pas avoir été exposé à la diversité.

« C'est vraiment gentil, vraiment. Les Canadiens sont aussi généreux qu'on le raconte », lui répondit-il en souriant timidement. Ayant pris place dans le véhicule, le jeune homme boucla sa ceinture et fixa ses yeux sur la route qui se mit à défiler sous ses yeux. Son accent l'ayant mis sous les projecteurs, il fut rapidement interrogé sur ses origines. « Oui, assez nouveau.  », s'empressa-t-il simplement de lui répondre. Voyant que sa nouvelle connaissance était prise d'un malaise causé par sa curiosité, le Bowen secoua légèrement la tête pour réfuter son indiscrétion. Son accent était si évident que si leur place était inversée, il lui aurait certainement posé la même question. « Finlay », s'introduisit-il à son tour. Il serra sa main avec hésitation, quoiqu'il devenait de plus en plus confortable au fur et à mesure que s'écoulaient les minutes. Le Bowen trouvait le roux très poli, et il appréciait ce genre de formalité qui lui rappelait les gens avec lesquels il avait grandi. Dans sa communauté, les enfants étaient élevés dans un environnement relativement strict où la politesse était pierre angulaire de leur éducation. Il ressentait donc une certaine familiarité avec Mike, bien qu'ils ne se connaissaient qu'à peine.

Finlay leva son poignet pour regarder l'heure sur sa montre argentée. Un soupir de soulagement s'évada d'entre ses lèvres alors qu'il réalisa qu'il allait être en avance. Avec un peu de chance, peut-être aurait-il l'occasion de débosser sa roue pour éviter de devoir se rendre chez un mécano. Mike le sortit de ses réflexions en lui demandait d'où il venait. Le brun tourna sa tête vers lui et retint un soupir. « D'Angleterre », lui répondit-il en dessinant un petit sourire sur ses lèvres traversé par un brin de nostalgie. Il n'était pas mal à l'aise de dire d'où il venait, quoiqu'il n'était pas particulière confortable à s'ouvrir sur son passé. Il n'en avait parlé à personne, hormis à sa tante qui avait bien évidemment été mise au courant des raisons pour lesquelles son neveu avait été chassé de la communauté. Il n'était pas fier de ce qu'il avait fait, quoiqu'il n'avait aucun regret. Il l'avait aimée et l'aimait encore. Ils avaient envie tous les deux malgré les conséquences auxquelles ils s'exposaient. C'était un acte consensuel rempli d'amour et de découverte. Il n'y avait rien fait d'horrible, si ce n'était qu'ils n'étaient pas mariés... « Ma tante vit ici, au cas où tu te demanderais ce que je fais dans cette petite ville à l'autre bout du monde », ajouta-t-il en étirant un sourire amusé sur ses lèvres.